L’approche industrielle de l’acquisition de nourriture, d’eau, de bois, de fibres et de combustible au cours du dernier demi-siècle a pollué ou surexploité les deux tiers des systèmes écologiques dont dépend la vie. De plus,  nous avons réduit à la fois les espèces et la diversité génétique, ce qui a considérablement diminué la résilience des écosystèmes. 

Au cours des 50 dernières années, l’agriculture industrielle s’est construite avec un ensemble d’hypothèses de base qui ont créé certes, une croissance de la production réussie mais lui ont également valu la première place en tant que pollueur d’eau majeur. Pour comprendre et tenter de remédier aux effets de l’agriculture sur l’eau, nous devons nous plonger dans ces hypothèses fondamentales, le rôle de l’eau dans la civilisation et les principaux polluants présents dans l’agriculture.

Jetons d’abord un coup d’œil aux six hypothèses qui ont bâti l’agriculture industrielle :

  1. L’efficacité de la production peut être atteinte par la spécialisation, la simplification et la concentration.
  2. L’innovation technologique est capable de surmonter tous les défis de production.
  3. La gestion des contrôles est efficace.
  4. L’épuisement des ressources naturelles peut toujours être surmonté, et les puits dans la nature seront toujours suffisants pour absorber les déchets.
  5. L’intervention thérapeutique est la stratégie la plus efficace pour contrôler les événements indésirables.
  6. Une énergie bon marché sera toujours disponible.

Au XXIe siècle, toutes ces hypothèses sont remises en question. Le pétrole, le gaz naturel et l’eau d’irrigation, qui fournissent la plupart des intrants nécessaires au succès continu de l’agriculture industrielle, s’épuisent. Les six hypothèses étant devenues obsolètes, nous sommes aujourd’hui confrontés à un sérieux dilemme en matière de pollution de l’eau.

Historiquement, cela s’est avéré paralyser ou même faire tomber des civilisations entières. Les anciennes villes sumériennes du Croissant fertile puisaient l’eau des fleuves environnants. Le Tigre et L’Euphrate nourrissaient les plus grandes populations que la planète ait vu jusqu’à ce point. Au fil du temps, cependant, ces systèmes d’irrigation ont entraîné une accumulation de sel dans le sol des basses terres autour des rivières, limitant considérablement ce qui y poussait. Bien que des tentatives aient été faites pour passer à des cultures plus résistantes au sel, la baisse de productivité a entraîné un déclin de la population et finalement la destruction de la civilisation par des forces externes et internes. L’irrigation, technique qui a permis l’émergence de la première civilisation du monde , a finalement conduit à sa chute. 

La pollution de l’eau par des pratiques agricoles non-durables pose un grave risque pour la santé humaine et les écosystèmes de la planète, un problème souvent sous-estimé par les décideurs et les agriculteurs.

Les principaux polluants de l’eau se présentent sous différentes formes, mais peuvent être classés en sept grandes catégories :

Nutriments : Principalement l’azote et le phosphore présents dans les engrais chimiques et organiques ainsi que dans les excréments des animaux et que l’on trouve normalement dans l’eau sous forme de nitrate, d’ammoniac ou de phosphate.

Pesticides : Herbicides, insecticides, fongicides et bactéricides, y compris les organophosphates, les carbamates, les pyréthroïdes, les pesticides organochlorés et autres. Beaucoup, comme le DDT, sont interdits dans la plupart des pays mais sont toujours utilisés illégalement et de manière persistante.

Sels : Ions de sodium, de chlorure, de potassium, de magnésium, de sulfate, de calcium et de bicarbonate. Ils sont mesurés dans l’eau, soit directement sous forme de solides dissous totaux, soit indirectement sous forme de conductivité électrique.

Sédiments : Mesurés dans l’eau sous forme de solides totaux en suspension ou d’unités de turbidité néphélométriques – en particulier lors du drainage des étangs pendant la récolte.

Matière organique : Substances chimiques ou biochimiques consommant de l’oxygène (par exemple, les matières organiques telles que les matières végétales et les excréments d’animaux), qui consomment l’oxygène dissous dans l’eau lorsqu’elles se dégradent.

Agents pathogènes : Bactéries et agents pathogènes telles que Escherichia coli, les coliformes totaux, les coliformes fécaux et les entérocoques.

Métaux : Sélénium, plomb, cuivre, mercure, arsenic et manganèse.

Polluants émergents : Résidus de médicaments, hormones et additifs alimentaires. 

La présence d’un large éventail de polluants émergents dans les eaux usées utilisées pour l’irrigation présente non seulement des risques potentiellement graves pour la santé humaine et la sécurité alimentaire par le biais de cultures contaminées, mais propage également ces polluants dans le milieu aquatique et le sol.
En plus de cela, les coûts environnementaux et sociaux annuels de la pollution de l’eau causée par l’agriculture dépassent probablement des milliards de dollars. Les coûts de la pollution agricole sont généralement des externalités non-marchandes qui sont supportées par la société dans son ensemble.

Il est crucial que nous prenions des mesures dès aujourd’hui afin de remédier à notre effet sur l’eau avant qu’il ne soit trop tard.